Les Œuvres complètes de Raymond Roussel accueillent deux nouveaux titres :
En 1989, un ensemble de manuscrits et de photographies, resté conservé plus de cinquante-cinq ans dans un garde-meubles de la Société Bedel, est déposé à la BNF.
En 1992, cet ensemble d'inédits est exposé pour la première fois à la BNF. Le catalogue d'exposition est présenté notamment par Annie Le Brun, Annie Angremy (responsable à l'époque du fonds Roussel au département des manuscrits), Patrick Bazantay et Patrick Besnier (ces deux derniers étant les organisateurs de la décade Roussel à Cerisy en 1991 et les fondateurs de la société Roussel). Tous quatre étant liés aux Œuvres complètes Pauvert-Fayard à ses débuts.
En 1993, un contrat était signé entre Jean-Jacques Pauvert représenté par la librairie Arthème Fayard, et la BNF pour publier quinze volumes des Œuvres complètes de Raymond Roussel, à partir de ces inédits.
Les deux premiers volumes paraissaient en 1994.
Aujourd'hui, deux nouveaux volumes voient le jour : Impressions d'Afrique, tome VII et L'Allée aux Lucioles, Flio et Pages choisies, tome IX.
Les protagonistes qui restent liés à cette aventure exceptionnelle :
-Jean-Jacques Pauvert : éditeur de la réimpression des Oeuvres de Roussel sous couverture rouge, publiées à l'origine chez Lemerre au début du siècle, et d'inédits en 1973.
-Annie Le Brun : connue notamment pour ses travaux sur Jarry ou Sade.
-Patrick Besnier : biographe de Jarry, qui a travaillé sur Mallarmé ou Rostand.
D'autres les ont rejoints : en général des universitaires, tel Jean-Philippe Guichon pour Impressions d'Afrique, qui ont passé des heures à déchiffrer les milliers de pages de manuscrits, dactylographies ou épreuves de Roussel à la BNF pour retranscrire ses variantes, ces fameux mots, phrases ou passages corrigés, modifiés ou raturés...
Ainsi, même si les Oeuvres de Roussel sont actuellement disponibles sur Gallica ou libres d'accès sur Internet, la spécificité de ces volumes, en dehors de leur " exhaustivité ", est due à l'édition critique établie à partir des inédits conservés à la BNF.
Trois œuvres des années 1914-1918 occupent le neuvième volume de cette édition.
L'Allée aux lucioles
est la dernière grande tentative romanesque de Raymond Roussel,
condamnée à l'inachèvement par le désarroi et les contraintes
militaires de 1914-1918 (Roussel était sous les drapeaux). Loin de la
réalité sinistre de la guerre, le roman met en scène un moment glorieux
de la civilisation occidentale : le séjour de Voltaire chez Frédéric II
à Sans-Souci. L’épisode donne à Raymond Roussel l'occasion de jouer
avec les plus grands noms de la science, de l'art et de la littérature.
Les œuvres sont détournées, rêvées, réinventées en une parade brillante
et fastueuse où paraissent Leibniz, Pigalle, Lavoisier et qui met en
scène un bien curieux fragment « inédit » de Candide.
Récit
plus bref, d'une noirceur extrême qui repose tout entier sur le malheur
lié à l'amour charnel, le fragment connu sous le titre de Flio renoue avec le lyrisme tragique et la sauvagerie de Locus Solus. L'intensité caractéristique des romans de Roussel se déploie autour du personnage d’une fillette affrontée à la luxure.
Une anthologie établie par Roussel lui-même en 1918 à partir de ses deux grands romans (Impressions d'Afrique et Locus Solus)
et jamais rééditée à ce jour, complète ce volume. En apparence légères,
les modifications apportées à la lecture – en particulier les titres
donnés à divers épisodes de Locus Solus – révèlent le regard de
Roussel sur son œuvre. Cette anthologie qu'il destinait au plus vaste
public lui apporta de nouveaux lecteurs, peu nombreux, mais qui
comptaient André Gide et Jean Cocteau.
Cette édition d’Impressions d'Afrique propose de rendre compte
des nombreux états du manuscrit : d'où l'abondance de variantes et
surtout de fragments inédits, parfois longs, qui renouvellent
totalement la connaissance de ce roman. Ces inédits permettent de
comprendre
la singularité d'un livre qui révèle autant la vision imaginaire d’un
continent qu’un continent de l’imaginaire. Avant les surréalistes,
Apollinaire, Duchamp, Picabia ont reconnu immédiatement l’importance
décisive, lors des représentations, de la version théâtrale d' «
Impressions d'Afrique », montée en 1912 par Roussel lui-même.
Evoquant Impressions d’Afrique,
Robert de Montesquiou parlait d’un « ensemble scientifique, musical et
abracadabrant. » Et nul doute, en effet, que ce livre recèle parmi les
pages les plus poétiques et les plus déconcertantes à la fois que
Raymond Roussel ait écrites. Voilà le lecteur embarqué dans une Afrique
de fantasmagorie, à travers la représentation d’un sacre et l’histoire
d’un théâtre perdu qui prend les dimensions du continent noir pour
devenir le plus éblouissant music-hall des profondeurs.
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