François Caradec nous a quittés. Ce fin connaisseur de la littérature française, inspiré par ses rencontres avec Saillet, Pia, Queneau, Leiris ou Arnaud, a été le premier à consacrer des biographies à Lautréamont, Raymond Roussel, Alphonse Allais, Willy. Mais Vian, Jarry, Max Jacob, Rimbaud (parce qu’il est né la même année qu’Allais, nous disait François !) et tant d’autres n’avaient aucun secret pour lui.
Ancien typographe, collectionneur, il avait aussi une grande connaissance des ouvrages illustrés, des affiches, du graphisme, passion qui l’a conduit à rédiger des ouvrages sur Christophe, Jane Avril, George Auriol ou le Café-concert.
Il avait le sens de l’humour, de la répartie, de la farce et des calembours, un plaisir de gamin à manier les mots, les genres, à décliner l’argot. Ce n’est pas par hasard qu’il était un éminent et si apprécié membre du Collège de Pataphysique, de l’Oulipo ou qu’il officiait à la fameuse émission des « Papous dans la tête ».
François Caradec aimait raconter toutes sortes d’histoires : il a d’ailleurs eu l’excellente idée de publier plusieurs recueils illustrés de contes qu’il avait inventés avec bonheur pour sa petite-fille.
Il représentait un « modèle » (aïe ! ce mot lui aurait fait grincer des dents) pour de nombreux chercheurs en histoire littéraire avec lesquels il échangeait passionnément, fébrile quand il trouvait une piste nouvelle. Il participait assidûment aux rencontres du colloque des Invalides, collaborait activement à Histoires Littéraires. Les Editions Fayard lui doivent de nombreux beaux livres dont il était l’auteur ou qu’il avait chaudement recommandés.
Amoureux de Paris, ses rues, ses cafés, ses librairies d’anciens, ses cimetières, le parc Montsouris, il a écrit de superbes poèmes sur la capitale, Les Nuages de Paris, publiés par son copain Nadeau. Et il en a fait l’un de ses personnages principaux dans son dernier livre, Le doigt coupé de la rue du Bison, un premier roman, un faux polar, qu’il faudra un jour décrypter tant les références littéraires y sont nombreuses. Il était très heureux de ce texte, trouvait la gueule du chien sur la couverture sympathique et admettait, comme ses nombreux amis l’ont souligné, qu’il avait révélé là - lui qui était si discret - quelques éléments autobiographiques.
Il y aurait beaucoup à dire sur cet homme à la personnalité tranchée, généreux, qui demandait toujours : « quoi de neuf ? », désireux de savoir ce qui se passait dans l’édition, les livres qui allaient paraître. Il faut avouer qu’il l’aimait bien, ce milieu, pour y avoir si longtemps travaillé, et dans tous les services.
Laissons-lui le dernier mot, le titre d’un recueil de contes qu’il s’apprêtait à publier avant de se consacrer à un gros roman : « Quoi de plus émouvant à marée basse dans le creux d’un rocher qu’un bigorneau qui marche »…
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