Un architecte de la dérision
Christophe Deshoulières est né en 1961 à Genève.
« Faut payer », disait Céline : hantés par l’échec, les trois romans de Deshoulières sont la rançon d’une vie rebelle à toute carrière.
1981 : normalien rue d’Ulm, Christophe jouit des nuits parisiennes,fait du théâtre et du journalisme au lieu d’enseigner ; vingt ans après,grâce à ses essais de référence sur les dramaturgies baroques et modernes, il devient brièvement professeur à l’université avant de quitter une institution déprimante. Après avoir vainement tenté de réaliser deux beaux projets de mise en scène lyrique, il vit désormais à la campagne et n’a pas d’adresse internet.
C’est pourquoi ses récits sont rigolos
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L’aventure littéraire dans laquelle s’inscrivent les Mal-aimants a duré trente ans.
Elle commence en 1978 avec l’écriture de Madame Faust, après les Etats-Généraux de la Philosophie à la Sorbonne, événement inaugural d’un vaste récit politico-policier. Publié par Christian Bourgois chez Julliard en 1989, ce roman de 800 pages attire tout de suite l’attention de la critique : une solide construction littéraire met en valeur l’impitoyable caricature du début des années 80 (« comment, en un an, nous sommes passés de la révolution à l’informatique »), comique ou mélancolique.
L’humour ravageur anime le livre suivant : Mémoires d’Aramis, que Claude Durand publie chez Fayard en 1999, tout en rééditant Madame Faust. Ce « roman de la vie littéraire » se paie la tête d’un écrivain quipublie son premier roman... Mais la vraie victime du livre, c’est la mode de l’autofiction ! Dont le vrai-faux narrateur parodie la complaisance dans un « anti-journal » libidineux, « exercice raisonné de mauvais goût ».
Les Mal-aimants, célébration souriante, amoureuse, des échecs de nos vies et de nos utopies, inventent une architecture de la dérision.
les Mal-aimants
Dix beaux jeunes gens s’isolent en Toscane, sur les hauteurs de Florence, et se racontent des histoires(de sexe, bien entendu). S’agit-il du Décaméron, que Boccace situait pendant la grande peste de 1348 ?Non, nous sommes autour de l’an 2000 à la Villa Malìn et nos amis, pensionnaires du hasard, orphelins privés de catastrophe, jouissent du bel été italien sans rien faire... Mais ce « rien » est-il matière à écrire ?
Nos petites histoires navrantes ont-elles un lien avec l’autre histoire ?
Plaisir simple du livre de l’été : la paresse de nos vacances s’y double d’un vrai roman d’aventures avec complots, masques, combats au sabre ou au pistolet, galopades et gaillardises bien troussées. Au bordel sous Napoléon 1er, un duo saphique, Coralie et Delphine, charme deux clients qui ont le même nom : Fourier et Fourier.
Charles et Joseph inventent la même chose : des« séries ». Des séries mathématiques pour Joseph, pionnier de la physique moderne et des statistiques ; des « séries passionnées » pour Charles, l’utopiste de la liberté sexuelle ; des séries de séries qui exaltent « lapropagation de la chaleur », sexes en rut, fûts de canon.
De l’amour à la guerre, entre France et Italie, l’ironie cruelle de l’Histoire modifie les lois de l’attraction magnétique : les aimants se repoussent au lieu de s’attirer. De nos jours, les « séries » ne sont que télévisées. Fade ou grotesque, la comédie du savoir et de l’art ne cultive plus que notre mélancolie.
Néanmoins, polarisés ensemble, Bien-pensants et Mal-aimants, en avance ou en retard d’un siècle oud’une génération sur le Grand Soir de l’amour libre, croient toujours au Paradis.
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Lire l'avis de Martin Winckler : http://martinwinckler.com/
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